Photos de Hanna Retz Photography, Sterling Lorence Photography et Anthill Films / Jonathan Osborne
Le vélo de montagne a besoin de Rampage. Nous avons besoin de spectacle. Nous avons besoin de drame. Nous avons besoin d’événements qui incarnent les origines pionnières et chaotiques de notre sport. Mais il faut aussi que Rampage évolue.
Au fur et à mesure que le tout terrain s’est mis à incorporer des manœuvres aériennes plus techniques, les pistes de Rampage ont commencé incorporer des rebords et des atterrissages plus soignés. La prochaine évolution a pris la forme d’énormes éléments en bois, modifiant les pistes et la saveur du Rampage. Mais lorsque ces caractéristiques sont devenues démodées, Rampage est retourné aux chemins de terre pour un nouveau look et une nouvelle sensation.
Aujourd’hui, Rampage évolue à nouveau.
Au cas où vous étiez caché sous une énorme pierre rouge, 2024 sera la première année où la scène ultime du freeride sera hôte de compétitions féminines. Mais c’est loin d’être la première fois que les femmes s’inscrivent dans l’histoire du tout terrain. Des légendes du vélo de montagne comme Carys Evans et Missy Giove épatent depuis que nous avons emprunté le terme au ski. Plus récemment, le tout terrain féminin a connu une fulgurante ascension pour devenir plus réel et plus visible.
Personne ne le sait mieux que Katie Holden, qui a été la force motrice de l’expansion historique de l’équipe de coureurs de Rampage cette année. Pionnière du tout terrain, Holden a participé à la création de la Red Bull Formation, une série d’événements tout terrain féminins organisés sur les mêmes falaises que l’événement Rampage de 2008 à 2013. C’est là que six prodigieuses coureuses tout terrain et leurs équipes de terrain ont construit de nouvelles pistes, ressuscité d’anciennes, et balancé le tout avec un flair spectaculaire. On parle de 2019, et beaucoup de choses se sont passées depuis.
« L’année 2019 a été une grande année en général », déclare Holden. « C’est à cette époque que Vero Sandler a réalisé son film Vision et que Casy Brown a été la première femme à travailler à Proving Grounds. Puis il y a eu Formation. »
Formation n’a pas été conçue sur le modèle d’une compétition. C’était un moyen pour les femmes de découvrir Rampage et bien plus encore au passage. « Formation a donné aux gens la possibilité, les outils et les ressources nécessaires pour exceller dans cet environnement spécifique, mais aussi un lieu de partage des connaissances », explique Holden. « Puis, après 2019, un déclic s’est produit
Depuis la première Formation, des catégories féminines ont été ajoutées à un nombre croissant d’événements liés à la descente acrobatique et au tout terrain. Les femmes ont été invitées à montrer leurs talents sur les sauts monolithiques de Dark Fest et Nines, les canons à grande vitesse de Hardline, et enfin, Rampage lui-même. Red Bull offre aux compétitrices les mêmes frais d’apparition qu’aux compétiteurs masculins et leur attribue des prix de même valeur. C’est la vraie expérience, sans compromis.
Les femmes se présenteront le jeudi 10 octobre. Bien que chaque course ne dure que deux minutes, l’événement lui-même dure souvent toute la journée. La logistique liée au tournage et au jugement nécessite un certain temps de plus entre chaque épreuve. Et il faut prévoir une marge de manœuvre pour que les coureuses puissent attendre que le vent se calme, lorsque nécessaire. C’est pourquoi Red Bull a décidé de consacrer une journée entière au Rampage féminin. En fait, ils y ont consacré un site au complet. Il faudra attendre un jour de plus pour que tout le cirque se mette en place et passe à l’épreuve masculine, qui aura lieu le samedi suivant.
Un total de huit coureuses participeront à la compétition, et Shimano est fière de soutenir trois d’entre elles. Nous avons rencontré Vaea Verbeeck, Vinny Armstrong et Robin Goomes pour discuter de leur parcours, de leur avenir et, bien sûr, des membres de leur équipe de terrain.
Le premier vélo de montagne de Vaea Verbeeck en était un de descente. Et sa première course a été un championnat national junior - au Mont-Sainte-Anne, rien de moins - où les nombreux rochers rendent le rythme saccadé. De toute évidence, ça ne la dérangeait pas, car elle a fini par prendre la deuxième place ce jour-là. Au cours de la décennie suivante, elle est devenue une figure de proue de la Coupe du monde de descente, mais ses deux titres consécutifs de reine du Crankworx représentent peut-être le mieux l’approche actuelle de Verbeeck à l’égard de ce sport.
« Je me suis tout de suite fondu dans la culture de la course de descente », raconte Verbeeck. « Mais j’ai commencé à voir des coureurs arriver avec leur flair, leur style. Et descendre d’un vélo de descente pour monter sur un vélo de piste. » L’adoption de cette approche a permis à Verbeeck de mériter ses lauriers au Crankworx, avec des médailles d’or en slalom double, en descente aérienne et en bonne vieille descente. « J’aime avoir la possibilité de me concentrer sur ce qui me rend heureuse à vélo », explique Verbeeck.
Par les temps qui courent, elle brave d’énormes sauts à Dark Fest, des passages difficiles à Hardline, et participe à Formation en tant qu’athlète pionnière et même, bientôt, à Rampage. Mais une ligne de saut construite à la machine n’a rien à voir avec les falaises brutes et utahaines de Virgin. « Avec ce qu’apporte Hardline à la compétition, vous pouvez regarder quelqu’un s’élancer. Ensuite, ce n’est plus qu’une question de théorie. Où est le contrôle de vitesse? Ou le point de freinage? Ou à quel point il faut pousser vers le haut? » explique Verbeeck. « Rampage va être un tout autre bête. »
Pour préparer le terrain, Verbeeck a choisi une équipe de terrain composée de jeunes espoirs. « Je veux construire ma stratégie autour la croissance prometteuse de l’événement et du sport. C’est pourquoi j’ai inclus des pilotes en devenir de Rampage dans mon équipe de terrain. » Il s’agit de Jim Monroe, débarqué du Royaume-Uni, et d’Aiden Parish, snowbird de l’Utah. « Ces deux hommes sont à la fin de l’adolescence ou au début de la vingtaine. » Verbeeck pense que chacun d’entre eux a le potentiel nécessaire pour participer un jour à des compétitions, mais son troisième coéquipier a peut-être une longueur d’avance. « Je compte également Georgia Astle. C’est une amie de longue date et elle figure sur la liste de remplacement. J’espère qu’elle sera acceptée, mais si ce n’est pas le cas, je veux qu’elle acquière autant d’expérience pratique que possible avec Rampage. »
Fidèles à leur habitude, Verbeeck et son équipe cherchent à constituer un groupe diversifié et bien équilibré. « J’adorerais que ma piste soit exactement comme je l’aime, c’est-à-dire très variée. Je veux pouvoir utiliser le terrain et faire preuve de créativité sur un rocher ou monter et descendre d’une crête. J’aimerais qu’il ait un rythme rapide pour pouvoir apporter des éléments plus importants. » Verbeeck semble prête à affronter tout ce qui se dressera dans le chemin de son équipe. « Nous verrons bien ce que nous pourrons faire, mais nous avons beaucoup de plaisir à en parler, ce qui est un très bon signe. »
Nous ne ferons pas de prédictions sur qui montera sur le podium une fois que le nuage de poussière orange annuel sera tombé, mais nous pensons que Vinny Armstrong est une candidate au Rampage People’s Choice Award. Bien sûr, elle est déjà montée sur de nombreux podiums lors de courses et d’événements de tout terrain à travers le monde. Mais elle est probablement plus connue pour avoir un style naturel. Armstrong roule comme rêvons tous le faire. Elle donne l’impression que tout est facile.
Originaire d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, Armstrong a commencé à faire du vélo de montagne dès son plus jeune âge, en se rendant régulièrement au parc à vélos avec son frère, Sam, la fin de semaine. C’était à quelques heures de Rotorua, où elle s’est ensuite taillé une place impressionnante au palmarès des courses de descente. Mais c’est le Crankworx Whip-Off qui a dévoilé son talent au grand public. Ces dernières années, Armstrong a été pratiquement imbattable dans le circuit acrobatique. Elle nous en met plein la vue avec son style unique. C’est peut-être pour cette raison qu’Armstrong a sorti des montages particulièrement cinématographiques récemment.
« C’est très amusant parce que j’ai le contrôle total du processus créatif », explique Armstrong. « Je peux en faire ce que je veux. Je peux choisir l’endroit où je veux filmer. Je peux prendre une direction vraiment bizarre et artistique. » Les vidéos sont une excellente de s’exprimer pour des athlètes comme Armstrong, qui se font un nom en dehors de la scène cycliste. Un exemple récent est « Shimmer », qui débute avec de grands sauts à Kamloops, en Colombie-Britannique... Ou plutôt, nous pensions qu’ils étaient grands. Mais nous avons oublié à qui nous avions affaire.
« C’était une belle petite séance, là », dit Armstrong en riant. « C’est amusant de revenir à des sauts plus petits et de travailler le style. Faire quelque chose sur les rampes et être plus à l’aise. Ensuite, on peut passer au sérieux. » Armstrong vit aujourd’hui à Queenstown, où il y ne manque pas de « sérieux » quand vient le temps de dévaler. Elle est également une habituée du Dark Fest et du Proving Grounds, qui présentent certaines des plus grosses rampes de l’heure. Ensuite, il y a ses courses à Formation, qui combinent des chutes brutes incroyablement raides et des rampes à longue distance à des vitesses ridicules.
« Dans le désert, on peut choisir sa piste. Vous pouvez choisir le type de caractéristiques que vous souhaitez construire pour mieux épouser votre style », explique Armstrong. « Mais cela devient assez difficile. Il faut avoir confiance dans les talents de votre équipe de construction, comme des vôtres. » Son frère, Sam, fait partie de son équipe, et elle est donc probablement très à l’aise au niveau de la confiance. « Honnêtement, je veux juste y aller et m’amuser avec mon vélo. » La description que fait Armstrong de ses plans pour le Rampage donne l’impression que ses aspirations surhumaines sont presque à portée de main. « Je veux construire quelque chose qui me permette de m’amuser et de mettre en valeur mon style de course. »
En parlant de style, Armstrong est l’une des nombreuses coureuses de Rampage qui utilisent une roue 26 arrière/27,5 avant de type « petit mullet ». Mais c’est assez nouveau pour elle. « Je l’ai installé il y a à peine quelques semaines pour essayer. Normalement, j’utiliserais un double 27,5 parce que, surtout en voyage, mon vélo tout terrain est mon vélo tout court. Mais après avoir installé le 26, j’ai trouvé ça débile. Je ne pense pas que je vais revenir sur ce choix. » La nouvelle configuration d’Armstrong nous rend d’autant plus excités à l’idée de voir son style naturel prendre son plein essor lors du Rampage de cette année. « J’aime généralement rouler sur un vélo plus petit. Ça me permet de déplacer le vélo dans toutes les directions, en particulier sur les bords. Il prend instantanément la forme que je veux lui donner. » Elle réussit même à ce que ça sonne facile. Nous avons hâte de voir ça en action.
Pour la plupart d’entre nous, le simple fait d’effectuer quelques sauts suffit à procurer des sensations fortes. Si vous ressentez le besoin de lancer plus qu’un simple saut fouetté, ça doit être pour épater les juges... n’est-ce pas? Eh bien, si vous parlez à Robin Goomes, vous comprendrez qu’elle est animée par une envie de maitriser les manœuvres qui va au-delà de simplement cocher des cases. C’est un désir qui l’habite et persiste longtemps après la fin de la compétition et que tous les scores ont été comptabilisés.
Goomes a découvert le vélo de montagne grâce à des amis dans l’armée néo-zélandaise. Elle a servi pendant cinq ans en tant qu’opératrice de machines, à apprendre des métiers et étant même déployée en Antarctique pendant un certain temps. C’est seulement ensuite qu’elle s’est lancée dans le sport, travaillant pour un service de guide au sud de Rotorua avant de vivre brièvement la « van life » dans la région renommée Queenstown.
« Il y a des pistes de saut parmi les plus débiles », dit Goomes les yeux écarquillés et le sourire aux lèvres. « Et il y a tout simplement de l’excellent vélo à y faire, avec une super communauté. » Mais lorsque nous l’avons rejointe, Goomes se trouvait à Rotorua, son lieu de résidence actuel. « Le vélo de montagne est très bon ici. La forêt est propice aux sorties en sentier. » Par contre, ce n’est pas pour cela que Goomes est là. « Le coût de la vie est beaucoup plus raisonnable, et l’objectif est d’acheter un terrain et d’y installer un centre d’entraînement digne de ce nom, afin de pouvoir m’entraîner fort. »
Goomes a de bonnes raisons de vouloir une installation dans sa cour. Bien que ses premiers pas dans le vélo de montagne de compétition aient été faits en enduro et en descente, elle a très vite commencé à bouger en slopestyle et en tout terrain. Elle fait littéralement bouger les choses. En 2021, elle est devenue la première femme à réussir un salto arrière dans l’histoire des compétitions Crankworx. Quelques mois plus tard, elle réalisait des figures de salto combiné très techniques à l’Audi Nines (aujourd’hui Swatch Nines). 2021 a été une année riche en événements marquants pour Goomes, avec sa première participation à Formation en tant que remplaçante dans la poussière d’Utah.
Elle est retournée à Formation en 2022 en tant que participante. Son parcours a été du grand Robin Goomes. Si son énorme descente sans main ne vous fait pas pleurer, sa finale en salto arrière le fera sûrement. Mais il y a aussi eu des passages sur des crêtes en dents de scie et des descentes complexes. Elle espère créer le même type de mélange à Rampage.
« Oui, j’ai quelques surprises que je veux intégrer à ma course. Mais je souhaite également présenter des aspects moins connus de ma conduite. Je pense pouvoir effectuer le côté technique et épater la galerie. » L’équipe de terrain qui sera chargée de cette tâche viendra du monde entier, notamment d’Europe, du Canada et, bien sûr, de Nouvelle-Zélande. « J’ai l’impression d’être un chef d’équipe ou quelque chose comme ça », nous dit Goomes. « Je dois gérer un grand nombre de personnes différentes et savoir d’où elles viennent dans le monde. »
Et ce n’est qu’une des nombreuses raisons pour lesquelles le Rampage de cette année est si unique. Cela prouve que ces pilotes sont capables de gérer non seulement le terrain de Rampage, mais aussi son histoire. « C’est vraiment spécial de participer à la première année.. J’ai l’impression que je suis sur cette planète au parfait moment », nous confie Robin Goomes. « C’est tellement malade. »